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Christian Nadeau,
professeur de philosophie à l’UdM
président, Ligue des droits et libertés
À l’heure où j’écris ces lignes, la pandémie aggrave les conditions d’existence déjà difficiles des plus vulnérables et des personnes marginalisées par un système économique et politique profondément injuste. Pourtant, la pandémie, si terrifiante soit-elle, n’est pas l’origine du drame actuel : elle en est une des manifestations. La crise sanitaire agit aujourd’hui comme un révélateur des faiblesses structurelles des cadres économiques, sociaux et politiques qui, hier encore, apparaissaient inexorables, malgré les iniquités qu’ils généraient.
En contrepartie, la crise sanitaire souligne à quel point nos vies dépendent de nos droits.
Nul ne peut nier l’omniprésence de la question des droits humains dès lors qu’on prend la vraie mesure de la pandémie. Parler des effets de la COVID-19 dépasse de loin le triste décompte des personnes mortes ou hospitalisées, si tragique soit-il. Jamais n’avons-nous autant vu les droits humains mis à mal : droit à l’environnement, droit à la santé, droit à l’éducation, droit à la dignité et à la liberté d’expression, droit au travail dans des conditions justes et favorables, droit à la protection contre le harcèlement ou contre la discrimination, quels que soient les motifs de cette dernière, qu’il s’agisse de l’âge, de critères raciaux, de l’orientation sexuelle ou de la religion. Il faut ajouter à cette liste le droit aux organisations collectives, aux réunions, aux rassemblements. Il restera, et la barre est haute, à mettre en œuvre les engagements politiques, économiques et sociaux qui devraient découler d’une réelle prise de conscience.
Impossible de voir dans la pandémie une occasion favorable pour progresser dans le respect des droits humains, car personne ne peut souhaiter une telle tragédie, quelles qu’en soient les conséquences.
Il est dès lors préférable de laisser à d’autres les discours sur la chance qu’elle nous offrirait de changer radicalement le monde. Si, dans le meilleur des cas, la pandémie atteint finalement cet objectif, ce sera le résultat du travail ininterrompu et infatigable de centaines, de milliers de militant-e-s qui, jour après jour, année après année, œuvrent à l’édification d’une société juste. Cela ne signifie pas que nous ne pouvons rien faire maintenant, bien au contraire. Notre résistance est plus que jamais nécessaire, ne serait-ce qu’en réaction aux violations actuelles aux droits humains. Malheureusement, la crise est aussi l’occasion pour des actions brutales de gouvernements autoritaires comme on a pu le constater au Brésil ou en Hongrie, et dans de nombreux autres États. Le Québec et le Canada ne sont pas à l’abri de telles dérives antidémocratiques, d’où l’urgence d’agir maintenant. Mais ce n’est pas que l’urgence, mais d’abord la justice qui commande notre action.
Nous n’ignorons pas ce qu’il a fallu faire pour mettre en place les institutions et les outils d’une société plus égalitaire. Nous savons à quel point sont fragiles les gains de nos luttes. Nous savons que tout comme les inégalités n’ont rien de naturel, la réponse à ces dernières relève d’actions politiques.
Comme le rappelait le philosophe américain Cornel West, ce n’est pas l’espoir qui conduit à l’action, mais l’action qui mène à l’espoir. Il s’agit bien d’un combat à long terme. L’impact de la pandémie n’a donc rien à voir avec la malchance. La riposte n’a rien à voir non plus avec les caprices du hasard. Elle s’inscrira dans l’histoire longue de nos luttes.
Pour terminer, à l’occasion de cette dernière publication de mon mandat à la présidence de la LDL, on me permettra d’ajouter quelques mots plus personnels. Je salue le travail de toute l’équipe et des militant-e-es, en particulier de celles et ceux qui ont siégé au conseil d’administration, au comité exécutif ou aux nombreux comités de travail de la LDL, sans parler de celles et ceux qui ont donné de nombreuses heures pour la réalisation de notre revue.
Longue vie à la Ligue des droits et libertés!
Christian Nadeau