Des détenus récemment libérés témoignent – Conférence de presse COVID-19 dans les lieux de détention

Il faut agir rapidement en libérant des centaines de détenu-e-s qui ne sont pas un danger pour la sécurité publique, il faut limiter les nouvelles admissions et accélérer les libérations conditionnelles.

Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate

Montréal, le 9 avril 2020 – Réuni-e-s en conférence de presse, la Ligue des droits et libertés (LDL), l’Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec (AAADCQ), Solidarité sans frontières (SSF), une personne récemment libérée du Centre fédéral de formation, un pénitencier à Laval, ainsi qu’une personne récemment libérée du Centre de surveillance de l’immigration de Laval demandent aux gouvernements d’agir en urgence afin de limiter la propagation de la COVID-19 dans les établissements de détention.

« Le temps presse et la situation ne peut qu’empirer pour les détenu-e-s et le personnel des centres de détention. On parle de vies humaines, ici. Ces gens et leurs familles n’ont pas à vivre avec l’épée de Damoclès que cette menace représente. On peut agir immédiatement en réduisant la population carcérale en libérant des centaines de détenu-e-s qui ne sont pas un danger pour la sécurité publique, en limitant les nouvelles admissions et en accélérant le processus des libérations conditionnelles », déclare Lucie Lemonde, porte-parole de la LDL.

Pour ce faire, les trois organisations interpellent aujourd’hui le ministre fédéral de la Sécurité publique, M. Bill Blair, la ministre provinciale de la Sécurité publique, Mme Geneviève Guilbault, et le Directeur des poursuites criminelles et pénales afin que des décisions visant à assurer la santé publique et les droits fondamentaux des personnes détenues et du personnel des centres de détention soient prises rapidement.

Pour Me Bordelais, vice-présidente de l’AAADCQ, affirme que « les faits nous indiquent que c’est au Québec que se trouvent la majorité des cas testés positifs dans les pénitenciers fédéraux. Pourtant, à ce jour, force est de constater le silence des autorités face à l’angoisse et à la souffrance morale des personnes incarcérées. Les avocat-e-s carcéralistes reçoivent des appels de détresse tant des détenu-e-s que de membres de leur famille. Rappelons que les personnes incarcérées ne peuvent pas faire grand-chose pour se protéger sans l’aide et la collaboration des intervenant-e-s des systèmes correctionnels. Quand les détenu-e-s sont infecté-e-s, c’est en raison de gestes posés, ou omis, par les intervenant-e-s chargé-e-s d’assurer leur garde. »

Safa Chebbi, porte-parole de SSF, ajoute que « seule une libération immédiate de tous les migrants et migrantes détenu-e-s dans les centres de surveillance de l’immigration, les prisons provinciales et d’autres établissements pénitentiaires, avec l’accès à un logement sécuritaire et la prise en charge médical nécessaire, peuvent nous prévenir d’un désastre de santé publique. »

Deux personnes récemment libérées de divers établissements de détention témoignent de la situation dangereuse derrière les barreaux.

Mario, récemment libéré du Centre fédéral de formation, pénitencier à Laval, témoigne : « J’ai été libéré le 2 avril dernier, deux jours après qu’un premier cas de contamination  aie été rapporté et où des rumeurs qu’un infirmier était aussi affecté commençaient à circuler. La réaction première de la direction du pénitencier a été de confiner tous les détenus 23h sur 24 dans leur cellule à compter de ce moment. Pourtant, il y a de l’espace disponible au pénitencier pour créer des aires d’activité, qui permettraient de respecter les mesures de distanciation sociale. Être isolés 23h sur 24, 7 jours sur 7, pendant on ne sait pas combien de temps, c’est extrêmement difficile au niveau psychologique, pour n’importe qui. »

Pour Abdoul, qui a été libéré la semaine dernière du Centre de surveillance de l’immigration de Laval et qui faisait partie des grévistes de la faim qui réclamaient d’être libérés, la négligence dont font l’objet les personnes qui y sont en détention est très grave. « À l’heure où on se parle, il y a encore une quinzaine de personnes réfugié-e-s ou demandeuses d’asile incarcérées à Laval alors qu’on sait qu’il y a au moins un gardien qui a été testé positif à la COVID-19, que d’autres ont été placés en quarantaine et qu’il n’y a toujours pas de test ou d’assistance médicale pour les détenu-e-s!  Les mesures de distanciation sociale demandées à tout le monde sont impossibles à respecter du fait des espaces très restreints. Les personnes détenues à Laval crient à l’aide, elles sentent que leur vie n’est pas considérée », témoigne-t-il.

Mme Lemonde, de la LDL, termine en rappelant que la réduction de la population carcérale pour éviter la catastrophe annoncée est une idée reprise abondamment. « L’ONU, l’enquêteur correctionnel du Canada, le ministre de la Sécurité publique au fédéral, M. Bill Blair, l’ont recommandé. L’Ontario, plusieurs États américains et d’autres pays dans le monde ont déjà commencé à le faire. Il est temps que les services correctionnels canadiens et québécois emboîtent le pas », conclut-elle.

 

-30-

Pour informations et entrevues :
Elisabeth Dupuis
Responsable des communications de la Ligue des droits et libertés
C : 514-715-7727