La Ligue des droits et libertés préoccupée par la montée de la transphobie

La montée d’un discours transphobe dans la société est dommageable pour les droits des personnes des communautés 2ELBGTQIA+ et doit être dénoncée fortement. Les instruments de protection des droits humains proposent un cadre de référence clair qu’il est important de rappeler.

Déclaration
21 septembre 2023

La Ligue des droits et libertés préoccupée par la montée de la transphobie

La Ligue des droits et libertés est très préoccupée par les récentes manifestations, au Québec et ailleurs au Canada, contre les contenus pédagogiques en santé et éducation sexuelle qui abordent les identités de genre et l’orientation sexuelle dans les écoles.

Partout au Canada, ce sont plus d’une centaine de manifestations véhiculant des discours transphobes et discriminatoires qui ont eu lieu hier, le 20 septembre 2023. À Montréal et à d’autres endroits, nous avons assisté à des actes d’intimidation, de violence verbale et de bousculades absolument inadmissibles, prenant pour cible des personnes des communautés 2ELBGTQIA+. La montée d’un discours transphobe dans la société est dommageable pour les droits des personnes de ces mêmes communautés et doit être dénoncée fortement. Les instruments de protection des droits humains proposent un cadre de référence clair qu’il est important de rappeler.

L’article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne interdit toute discrimination fondée sur l’identité ou l’expression de genre, de même que sur l’orientation sexuelle. L’article 10.1 de cette même Charte interdit de harceler une personne sur la base d’un de ces motifs. La population est d’ailleurs invitée à consulter le matériel d’éducation sur l’identité ou l’expression de genre publié par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sur son site Web. La Déclaration universelle des droits de l’homme consacre aussi l’égalité de toutes les personnes en dignité et en droits, prohibant la discrimination. Au niveau des Nations unies, l’initiative Libres et Égaux place au cœur des priorités la promotion et la défense des droits des personnes 2ELBGTQIA+ et la lutte contre l’homophobie et la transphobie.

En ce qui a trait à l’argument évoquant la protection des enfants, rappelons également que la Convention relative aux droits de l’enfant, ratifiée par le Québec et le Canada en 1991, suggère que l’enfant n’est pas une personne demi-titulaire de droits et doit pouvoir exercer ses droits dans tous les aspects de sa vie. Bien que ses parents soient titulaires d’une autorité parentale sur lui, l’enfant lui-même a des droits, incluant le droit à la vie, à la survie, au développement mental, émotionnel, cognitif, social et culturel, et le droit à l’éducation. De plus, l’Observation générale no 29 sur les droits de l’enfant soutient que « l’éducation reçue doit, entre autres, lui inculquer le respect des droits humains et des libertés ». Il est souhaitable d’exposer et d’éduquer les enfants et adolescent-e-s au sujet des diversités qui existent dans la société, y compris de la diversité des identités de genre et des orientations sexuelles.

Plusieurs politicien-ne-s et chroniqueur-se-s au Québec et au Canada ont contribué par leurs déclarations à attiser un discours transphobe, alors que ces minorités font l’objet de discriminations historiques et documentées[1]. Ces discours contiennent des informations erronées, sinon mensongères, concernant notamment l’encadrement légal des processus médicaux de transition pour les personnes mineures ou la sexualisation précoce des enfants, ou bien véhiculent des stéréotypes basés sur le genre, par exemple en prétendant vouloir protéger les jeunes filles du regard des garçons dans des toilettes mixtes. Nous sommes donc loin d’un débat public respectueux.

Depuis plusieurs années, nous observons une augmentation des crimes haineux contre les personnes 2ELGBTQIA+[2], corrélée avec cette montée d’un discours ambiant transphobe décomplexé. Dans ces circonstances, leur droit à la sécurité, protégé par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés et l’article 1er de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne est fortement compromis. Bien qu’il soit légitime d’exprimer une opinion concernant le contenu d’un cursus scolaire dans le cadre d’un débat public respectueux, cela ne peut se faire au détriment du droit à la sécurité d’autrui et en alimentant les discriminations fondées sur le genre.

Contrairement à la prétention de certaines personnes, l’identité de genre n’est pas une idéologie, pas plus que le respect des droits des personnes des communautés 2ELGBTQIA+ n’est optionnel. Il est nécessaire de respecter et de protéger les droits des personnes trans et de l’ensemble des communautés 2ELGBTQIA+ et de combattre la montée d’un discours haineux à leur égard. Un tel effort d’éducation est essentiel dans un contexte qui appelle à lutter contre la transphobie, et contribuera à nous faire évoluer vers une société respectueuse des droits de toutes et tous.

 


 

[1] Voir : Justice Trans. « Points de vue 2STNBNCG sur l’accès à la justice: une évaluation des besoins juridiques ». Septembre 2022. En ligne : https://justicetrans.org/wp-content/uploads/2023/09/Points_de_vue_2STNBNCG_sur_l_acces_a_la_justice-Rapport.pdf, et « Portrait de la discrimination subie par les personnes trans et non binaires », Le Devoir, 12 septembre 2023. En ligne : https://www.ledevoir.com/societe/797878/portrait-discrimination-subie-personnes-trans-non-binaires

[2] Statistique Canada, « Les crimes haineux déclarés par la police, 2021 », 2 mars 2023. En ligne : https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/230322/dq230322a-fra.htm