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Revue Droits & Libertés, aut. 2021/hiver 2022
Regroupement des organismes ESPACE du Québec (ROEQ)
Barbara Aberman, Agente de liaison aux dossiers politiques
Janie Bergeron, coordonnatrice du ROEQ
Nancy Gagnon, coordonnatrice administrative
Karine Savoie, coordonnatrice aux communications et innovations
Patricia St-Hilaire, coordonnatrice au programme
La phrase « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » est indiquée à l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) dont le Canada est signataire et de laquelle s’inspire la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Est- ce que cette phrase aurait été oubliée par nos décideurs et décideuses lorsqu’il est question des droits des enfants?
Plusieurs faits démontrent que, depuis des années, et ce, malgré plusieurs grandes promesses et beaux discours, les gouvernements du Canada et du Québec n’honorent pas leurs engagements lorsque l’on parle des droits des enfants. Par exemple, la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) est un traité qui reconnaît les droits propres aux enfants. Elle est un instrument juridique international adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies en novembre 1989. Le Canada a ratifié la Convention en 1991 et le gouvernement québécois s’est lui-même déclaré lié par décret. Lié par décret !
Une atteinte à l’intégrité physique de l’enfant
Compte tenu de leur état de mineur, les enfants ont des droits distincts de ceux octroyés aux adultes, notamment lorsqu’il s’agit de vie citoyenne ou pour poser certains actes : voter, conduire, se procurer des biens, etc. Cependant, lorsqu’il s’agit de violence, il ne devrait pas y avoir de différence entre les droits des adultes et ceux des enfants. Pourtant, une distinction s’applique. Au Canada, tous les enfants sont protégés contre toute forme de violence par une loi fédérale qui s’applique partout au pays. Cette loi mentionne des infractions telles que l’omission de fournir les nécessités de la vie, l’abandon d’un enfant et un certain nombre d’infractions sexuelles touchant les enfants. Mais, et malgré l’amendement adopté en 20041, l’article 43 du Code criminel canadien est maintenu et autorise les parents ou les tutrices ou tuteurs de l’enfant à user de force physique pour corriger l’enfant dans le cadre de leur mission éducative. La fessée est une forme de châtiment corporel que certains parents infligent encore aux enfants. Aucun comportement d’un enfant ne saurait justifier un acte qui, posé à l’endroit d’un adulte, constituerait une atteinte inacceptable à ses droits, à son intégrité physique ainsi qu’à sa sécurité garantie par les chartes canadienne et québécoise. Ce geste posé à l’égard d’un adulte pourrait même être considéré comme un geste criminel. Pourquoi cette pratique est-elle encore tolérée à l’endroit des enfants ? Malgré l’article 19 de la Convention, qui mentionne que l’enfant doit être protégé contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, les gouvernements canadien et québécois perpétuent des pratiques disciplinaires largement dépassées, venant gravement compromettre la sécurité et les droits des enfants.
On aimerait que le Québec et le Canada présentent des fiches parfaites en matière de droits des enfants, mais l’exemple cité plus haut démontre clairement qu’il y a des manquements graves de la part de nos gouvernements concernant ces droits. Cela, sans compter les manquements quant aux droits à l’éducation et à la santé ou aux droits des enfants dont le statut d’immigration ou celui de leurs parents est précaire. Beaucoup de chemin reste encore à parcourir pour faire disparaître les clivages entre les droits des adultes et ceux des enfants.
Les suites de la Commission Laurent
Au Québec, plusieurs ont suivi avec attention la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse mise en place à la suite du décès d’une petite fille de sept ans à Granby. Tout le Québec s’est indigné et cherchait à comprendre les failles du système nous ayant menés à une telle situation. Les recommand’actions issues du rapport sont claires : instituer un commissaire au bien-être des enfants, adopter une charte des droits de l’enfant et faire de la prévention. La présidente de cette Commission, Régine
Laurent, a affirmé à plusieurs reprises durant les audiences qu’il faut agir ensemble afin de devenir « un Québec digne de ses enfants ». Quand ces recommand’actions seront-elles mises en oeuvre ? Cela fait plus de 30 ans que les membres du ROEQ travaillent à informer les enfants de leurs droits et de l’importance d’avoir un réseau d’adultes bienveillants autour d’eux. Déjà en 1991, lors de la sortie du rapport du Groupe de travail pour les jeunes, intitulé Un Québec fou de ses enfants, les notions de prévention des mauvais traitements et du respect des enfants peu importe leur âge étaient mises de l’avant. Comment se fait-il qu’aucun changement n’ait été constaté en 20 ans ?
Malgré tous ces engagements et ces chartes, les inégalités, les injustices sociales et les nombreux drames des dernières années témoignent incontestablement du fait que les droits des enfants sont encore ignorés et bafoués. Si nos gouvernements veulent réellement faire respecter les droits des enfants, ils doivent reconnaître que les enfants doivent être considérés comme des personnes à part entière, avec les mêmes droits à la sécurité et à leur plein développement que toute citoyenne et tout citoyen.
Né en 1989, le Regroupement des organismes ESPACE du Québec (ROEQ) rassemble les organismes ESPACE présents dans différentes régions du Québec. ESPACE croit que chaque enfant a le droit de vivre une enfance en sécurité et sans violence. Notre mission est donc de promouvoir la prévention de la violence faite aux enfants sous toutes ses formes. Prévenir la violence, c’est donner aux enfants les moyens de se protéger contre toute forme d’agression, mais aussi, et c’est important, de sensibiliser les adultes à leur rôle en prévention pour venir en aide aux enfants et de les outiller à cette fin. espacesansviolence.org
- Ministère de la Justice. En ligne : https://www.justice.gc.ca/fra/pr-rp/jp-cj/vf-fv/cce- mcb/index.html/
La Cour suprême du Canada a conclu que l’article 43 était constitutionnel, mais elle en a limité considérablement l’application au recours à une force légère qui est raisonnable dans les circonstances et a donné certains exemples.