Mesures d’urgence et déconfinement – La crise sanitaire révèle de vieilles urgences déjà bien connues

En sortie de crise, une attention particulière doit être portée par le gouvernement aux droits sociaux, à son penchant pour la gouvernance par décrets et sans opposition, ainsi qu’à l’irrésistible appel de la surveillance de masse.

Communiqué de presse
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Montréal, le 28 avril 2020 – Alors que les scénarios de déconfinement seront rendus publics ces jours-ci, trois expert-e-s impliqué-e-s au sein de la Ligue des droits et libertés (LDL) invitent le gouvernement du Québec à porter une attention particulière aux droits sociaux, à son penchant pour la gouvernance par décrets et sans opposition, ainsi qu’à l’irrésistible appel de la surveillance de masse.

« Cette semaine, s’engage un complexe arbitrage entre le social et l’économique dans la foulée de la sortie progressive de la crise sanitaire. Or, les violations cumulatives et systémiques des droits sociaux des personnes qui habitent le Québec ne disparaîtront pas magiquement, non plus qu’elles ne s’atténuent du seul fait de la relance. Le respect des droits sociaux, dont la santé, l’éducation, le logement et le travail, doivent faire partie de l’équation », déclare Me Lucie Lamarche, vice-présidente de la LDL et professeure en sciences juridiques à l’Université du Québec à Montréal.

« Ces droits doivent impérativement faire partie du plan de relance, encore plus quand on savait, avant la crise sanitaire, que les CHSLD opèrent sur une glace très mince, ce qui ne peut que porter atteinte au droit à la santé des résident-e-s de ces établissements. On savait, avant la crise sanitaire, que les écoles publiques sont surpeuplées, mal outillées et que les besoins spéciaux des élèves vont choir sur des listes d’attente interminables. On savait, avant la crise sanitaire, que le sort des locataires est précaire. Et que dire du monde du travail? Le travail précaire, le travail d’agence et les multiples boulots générés par le commerce électronique ne sont pas nés avec la crise sanitaire! On savait aussi que les mécanismes de protection sociale sont déficients », continue Me Lamarche.

Pour Christian Nadeau, professeur en philosophie politique à l’Université de Montréal et président de la LDL, la démocratie et l’État de droit sont grandement malmenés ces jours-ci. « Un très petit nombre de personnes exerce le pouvoir exécutif actuellement. Ce nombre restreint de personnes prend des décisions majeures relatives aux droits fondamentaux des gens, sans qu’il y ait délibération ou discussion sur le bien fondé de ces décisions. Nous voyons nos droits et libertés être suspendus d’un décret à l’autre, sans savoir jusqu’à quand cette parenthèse juridique va durer alors que nous nous dirigeons vers un déconfinement sans que la population ne soit consultée sérieusement sur la transition », dénonce M. Nadeau.

« Un État de droit signifie l’existence d’un minimum de chiens de garde contre l’arbitraire en impliquant débats, consultation et surveillance des actions gouvernementales. Pourtant, ce sont ces mêmes chiens de garde qu’on renvoie dans leur niche pendant une crise de santé publique, au moment même où on en aurait le plus besoin », enchaîne-t-il.

Pour Alexandra Pierre, experte terrain en défense collective des droits et vice-présidente de la LDL, le gouvernement Legault traite la crise sanitaire actuelle comme un enjeu de sécurité publique plutôt que comme un enjeu de santé publique.

« Si on regarde les données depuis le début de la pandémie, on constate que la moitié des décès en lien avec la COVID-19 sont survenus dans les CHSLD. Pourtant, ils ont été « fermés » : presque personne ne peut rentrer ou sortir depuis les premières semaines de la pandémie!  Renforcer la surveillance n’aurait rien changé puisque le problème n’a rien à voir avec la sécurité publique. On voit bien que ce qui est important, c’est l’amélioration urgente de notre système de santé afin de concrétiser le droit à la santé pour tous et toutes et pas de surveiller tout le monde! », remarque-t-elle.

En terminant, Mme Pierre appelle à la prudence et à la réflexion. « Il y a un risque réel qu’en plus d’affaiblir notre santé physique et mentale, la COVID-19 affaiblisse durablement notre démocratie et nos droits, déjà fragilisés », conclut-elle.

 

À propos de la Ligue des droits et libertés

La LDL est un organisme sans but lucratif, indépendant et non partisan, issu de la société civile québécoise et affilié à la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH). Depuis plus de 50 ans, elle milite en faveur de la défense et de la promotion de tous les droits humains reconnus par la Charte internationale des droits de l’homme.

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Pour informations et entrevues :
Elisabeth Dupuis, Responsable des communications de la Ligue des droits et libertés
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