Présentement, ce sont les lois générales sur la protection des renseignements personnels qui régissent la reconnaissance faciale.
Aucun encadrement légal spécifique
La reconnaissance faciale ne fait l’objet d’aucun encadrement légal spécifique au pays. Au Québec, la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information impose quelques obligations dans l’utilisation de données biométriques comme suit :
- la vérification ou la confirmation de l’identité d’une personne au moyen d’un procédé utilisant des mesures biométriques doit faire l’objet d’un consentement exprès de cette personne (art. 44);
- la création d’une banque de caractéristiques ou de mesures biométriques doit être préalablement divulguée à la Commission d’accès à l’information (CAI) (art. 45).
Pour le reste, ce sont les lois générales sur la protection des renseignements personnels qui régissent la reconnaissance faciale. Or, ce cadre est nettement insuffisant.
Les lois de protection des renseignements personnels sont truffées d’exceptions permettant de passer outre au consentement. On peut aussi se questionner sur la valeur de ce consentement.
La reconnaissance faciale requière un encadrement spécifique, car les enjeux qu'elle soulève vont au-delà de la protection des renseignements personnels.
Un réel consentement, libre et éclairé?
Le consentement est-il vraiment libre s’il est exigé dans le cadre d’une relation d’emploi? Ou encore la personne a-t-elle été bien informée des tenants et aboutissants du système de reconnaissance faciale? De plus en plus d’objets connectés (automobiles, cellulaires, etc.) intègrent cette technologie et l’industrie est en pleine expansion : de quel choix le consommateur dispose-t-il vraiment?
Au-delà de la protection des renseignements personnels
La reconnaissance faciale soulève en outre bien d’autres enjeux que la protection des renseignements personnels. Qu’on pense à la manipulation comportementale, aux atteintes possibles aux droits humains, aux biais discriminatoires des algorithmes et à la nécessaire transparence des systèmes.
Qu'en pensent la CAI et l'OBVIA ?
La Commission d'accès à l'information (CAI)
« La Loi sur l’accès et la Loi sur le privé n’ont pas été conçues pour encadrer des pratiques aussi intrusives que la biométrie, dont la reconnaissance faciale, ni pour protéger les citoyens de nouveaux modèles d’affaires de géants du Web, fondés sur la marchandisation des renseignements personnels » (source, p. 3, 2020).
L'Observatoire international sur les impacts sociétaux de l'IA et du numérique (OBVIA)
« Or, les lois canadiennes et québécoises datent d’il y a 20 ans et sont loin d’être adaptées à la technologie d’aujourd’hui, a fortiori s’agissant de technologies intrusives comme la reconnaissance faciale dans l’espace public qui peut conduire à la surveillance généralisée et la perte d’anonymat » (source).
Les atteintes aux droits sont réelles. Pour y mettre fin, exigeons un moratoire sur l'utilisation de la reconnaissance faciale partout au pays.
Sous le radar
Le projet de loi 64, Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnels, adopté le 21 septembre 2021 par l’Assemblée nationale, vise à moderniser les lois de protection des renseignements personnels au Québec. Or, il ne contient aucune disposition sur la reconnaissance faciale et il effleure à peine la question des données biométriques. Tout au plus il assujettit la constitution d’une banque de mesures biométriques à un préavis de 60 jours à la CAI avant sa mise en service.
Le mémoire présenté par la CAI (source) déplore que le projet de loi 64 ne prévoit pas d’amélioration significative en ce qui concerne la biométrie malgré l’ampleur des enjeux en cause. La CAI formule quelques recommandations à saveur plutôt techniques et insuffisantes.
Quoi faire à court terme?
Les limites qu’il convient d’imposer à une technologie aussi invasive que la reconnaissance faciale relève du débat de société. À l’instar d’autres groupes (source), la Ligue des droits et libertés demande un moratoire sur l’utilisation de la reconnaissance faciale et la tenue d’un débat public transparent sur l’usage de cette technologie liberticide (source).