Utilisations de la reconnaissance faciale

Développées dans un court laps de temps, les utilisations de la reconnaissance faciale soulèvent de nombreuses interrogations au regard du respect de la vie privée et de la protection des données personnelles, notamment celles qui sont jugées sensibles.

Les utilisations actuelles et futures de la reconnaissance faciale représentent de sérieux enjeux quant aux atteintes aux droits et aux libertés.

Un développement sans commune mesure


Au fur et à mesure du perfectionnement des technologies et des avancées techniques, notamment dans le domaine du numérique et des algorithmes, les utilisations de la reconnaissance faciale se sont multipliées de façon exponentielle en un court laps de temps.

Au-delà des utilisations qui sont déjà connues et avérées, d’autres utilisations pourraient éventuellement être envisagées, dans le secteur public ou encore dans le secteur privé. Elles soulèvent de nombreuses interrogations au regard du respect de la vie privée et de la protection des données personnelles, notamment celles qui sont jugées sensibles.

 

La Gendarmerie royale du Canada a utilisé l'application de reconnaissance faciale de Clearview AI.

L'usage de la reconnaissance faciale dans le secteur public


L'usage en vue de l'application de la loi et de la protection de la sécurité nationale

Qu’il s’agisse des forces de police ou des agences de renseignements des gouvernements, la reconnaissance faciale a déjà été utilisée à plusieurs reprises, et pas seulement par des États jugés autoritaires ou dictatoriaux. Bien au contraire, même dans un État comme le Canada, des utilisations contestables de la reconnaissance faciale ont déjà été constatées.

L'exemple de Clearview AI par la GRC

Par exemple, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a déjà fait usage du logiciel Clearview AI qui a recueilli des données biométriques sensibles à l’insu ou sans le consentement des personnes concernées.

L’acquisition de deux licences d’exploitation au mois d’octobre 2019 a permis à la GRC d’avoir accès à « une gigantesque base de données photographique que [l’entreprise Clearview] met à la disposition de ses clients (corps policiers, agences gouvernementales, institutions bancaires, etc.) pour identifier des personnes à partir de leurs données biométriques ».

libre de droits

L'avis du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada

À l’issue de leur enquête sur Clearview AI, le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, et les commissaires de la Colombie-Britannique, de l’Alberta et du Québec ont conclu en juin 2021 que « l'utilisation par la GRC du logiciel controversé de reconnaissance faciale Clearview AI constitue une ‘’violation grave’’ des droits des Canadiens ».

La Ville de Montréal ne peut confirmer si le SPVM utilise ou a déjà utilisé des technologies de reconnaissance faciale via des tiers.

L'opacité du SPVM

À Montréal, le manque de transparence du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a déjà été dénoncé, en regard des risques associés à l’usage de technologies de surveillance invasives.

L’utilisation de ces technologies affectent certaines communautés ou groupes de manière discriminatoire sur la base de « la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques » (source).

Crédit : André Querry

La Sûreté du Québec aussi

Parallèlement, la Sûreté du Québec (SQ) a fait appel à la société française Idemia (source) en concluant un contrat en août 2020 pour acquérir des logiciels de reconnaissance facile et d’empreintes digitales. Les policiers provinciaux devaient commencer à utiliser ces outils au cours de l’année 2021, notamment « dans le cadre d’enquêtes criminelles pour comparer des images de caméras de surveillance à une base de données comptant des dizaines de milliers de photos signalétiques (mugshots) de personnes ayant un dossier criminel ou ayant fait l’objet d’enquêtes » (source).

Le droit à l'anonymat et le droit de manifester

Dans le cadre d’une manifestation, les participant-e-s seraient susceptibles d’être identifié-e-s par la police à leur insu, quand bien même il n’y aurait aucun motif légal les obligeant à donner leur identité à des policiers.

L’utilisation de la reconnaissance faciale combinée au déploiement éventuel de caméras corporelles ouvrirait la porte à encore plus de surveillance policière abusive.

Avec la reconnaissance faciale, les risques d'une surveillance de masse sont bien réels.

De nombreuses questions se posent


Comment les décisions seraient prises?

La décision de faire usage de tels dispositifs est bien souvent prise dans le cadre de processus opaques au regard desquels une résistance ou un désaccord de la part de la société civile ne peut pas s’exprimer. La peur et des circonstances exceptionnelles peuvent également être utilisées par les autorités comme des justifications à une surveillance de masse (source). Le risque d’aboutir à une telle surveillance de masse en raison de l’usage des technologies de reconnaissance faciale sous couvert de sécurité publique a déjà été souligné (source).

Vers une surveillance généralisée de la population?

Par ailleurs, au-delà des risques d’atteintes à la vie privée de ces technologies sont susceptibles de conduire à une surveillance de masse. Elles peuvent constituer un outil de contrôle au service de l’État par l’exploitation des données biométriques aux fins d’identification des personnes physiques (source). La dérive ultime est incarnée aujourd’hui par le système de « crédit social » mis en place par la Chine qui permet une surveillance généralisée de la population en raison de la reconnaissance faciale qui y est omniprésente (source).

Surveillance. Caméra. Espace public.

Encadrer légalement, est-ce suffisant?

Les avancées extrêmement rapides des technologies de reconnaissance faciale, et l’utilisation opaque qui en est faite, ne permettent pas d’offrir un encadrement strict de l’usage de ces outils, ni de prévoir des sanctions dissuasives pour en limiter l’utilisation à des cas d’exception. Ainsi, l’utilisation de ces technologies invasives s’élargit avec comme seule base légale les lois de protection de la vie privée actuelles, et celles-ci sont nettement insuffisantes.

Et même avec des bases légales pour y avoir recours, il y a des risques incontournables, des dérives déjà constatées et des atteintes aux droits et libertés en raison de l’exploitation de données sensibles permettant l’identification des personnes.

À quand le passeport biométrique?

Dans le cadre de la sécurité à la frontière et du contrôle de l’accès au territoire, le passeport biométrique devient la norme et la reconnaissance faciale est de plus en plus utilisée par l’Agence des services frontaliers pour vérifier l’identité des voyageurs (source).

C'est une révolution qui s'opère dans le silence.

Les usages de la reconnaissance faciale par le secteur privé


Dans le domaine privé, les utilisations de la reconnaissance faciale sont également très nombreuses, notamment dans le cadre des services offerts en ligne, la sécurité des appareils mobiles, la sécurité chez soi, les applications dans les commerces de détail et les banques ou encore dans le domaine de la télévision (source).

Quelques exemples actuels d'utilisation par le secteur privé:

  • comme un deuxième facteur d’identification afin de sécuriser le processus de connexion à un service;
  • afin de donner accès aux applications et à des téléphones intelligents sans mot de passe;
  • en vue d’avoir accès à des services en ligne pour lesquels un abonnement a été souscrit;
  • afin d’avoir accès à des immeubles qu’il s’agisse d’immeubles de bureau, pour accéder à des événements ou à des installations spécifiques;
  • comme un moyen de paiement en vue du règlement des factures à la fois dans les magasins physiques et en ligne;
  • comme un mode d’accès sécurisé à un dispositif verrouillé;
  • afin de procéder à l’enregistrement à des services offerts aux touristes dans les aéroports ou les hôtels;
  • dans le cadre spécifique des réseaux sociaux, afin de suivre les activités numériques d’une personne en l’identifiant sur toutes les images où elle est présente et qui sont mises sur Internet;
  • dans les lieux publics comme les centres d’achats, en vue de suivre les activités d’une personne avec l’objectif d’effectuer une analyse comportementale à l’insu de celle-ci.
Surveillance. Reconnaissance faciale.

Une intrusion banalisée

Les utilisations et les avancées technologiques proposées par le secteur privé qui sont fondées sur les outils de reconnaissance faciale peuvent être accueillies favorablement par le public, en étant perçues comme des avancées pour la vie en société et comme un moyen de faciliter les activités quotidiennes. Toutefois, c’est une révolution tranquille qui s’opère dans le silence, sournoisement.

Des avancées technologiques, mais à quel prix?

Même si ces technologies sont susceptibles d’être perçues comme des avancées pour des personnes ayant besoin d'assistance au quotidien, il ne faut néanmoins pas oublier les dérives éventuelles et les violations des droits et libertés auxquelles ces outils peuvent aboutir.

La reconnaissance faciale est un procédé invasif de fouille et peut compromettre l'exercice de nombreux droits et libertés.

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